CICG - Lettre 5

SOMMAIRE

Décompte
Afghanistan : "Les Afghans ont trop de cire dans les oreilles"

Dossier Irak :

Irak : préparatifs de guerre
Irak : Blair et Bush mettront les détails au point en Avril
Irak : la menace fantôme
Quelques questions gênantes sur l'Irak

et :

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Aujourd'hui, 28 février 2002, Yasser Arafat est retenu en otage depuis 86 jours par les autorités israéliennes.

2) AGHANISTAN : LES AFGHANS ONT TROP DE CIRE DANS LES OREILLES
Une clinique militaire à Bagram vue par l'agence militaire américaine de presse

Un jeune garçon entre dans la pièce sur des béquilles. De toute évidence il a perdu l'usage de sa jambe droite. Le garçon s'assied sur la table d'examen improvisée et son père demande au médecin ce que celui-ci peut faire pour lui. Après quelques questions, le médecin découvre que le garçon a eu la polio. Que peut-on faire ? Le médecin militaire US réfléchit un moment puis sourit : " Dites au père que je veux que ce garçon apprenne à lire. Et que je veux qu'il lise des choses sur Franklin D. Roosevelt. C'était l'homme le plus puissant de la planète pendant la 2è guerre mondiale et il avait la polio" […]. La clinique a été établie pour traiter les soldats de l'Alliance du Nord et petit à petit en est venue à traiter la populace locale […]. "C'est bon de voir le côté humanitaire de l'Opération Libertés immuables" dit Sarah Davidson, infirmière d'urgence de l'armée anglaise : "Il y a quelques hernies qu'on pourrait opérer facilement chez nous, mais ce n'est pas possible ici". "Il y a aussi des gens qui sont devenus sourds à cause de bouchons de cire dans les oreilles" ajoute le sergent Rowlands, technicien médical de l'armée anglaise. "Nous sommes des gens humains, et nous aimerions les aider" ajoute-t-il, "on regrette seulement de ne pas pouvoir faire plus".

Le Pentagone et la CIA ont commencé leurs préparatifs pour une guerre qui impliquera 200 000 soldats américains. Le cabinet de guerre de Bush a décidé fin janvier que la politique du "containment" ne suffisait pas et qu'il fallait renverser le leader irakien. Powell a été gagné à la thèse du "changement de régime". Le commandement central a déjà établi ses quartiers généraux dans le Golfe . Le Q.G. de l'Air -Afcent- est à la base Prince Sultan en Arabie Saoudite. Le Q.G. de l'armée -Arcent- est au Koweit, tandis que celui de la marine -Navcent- est au Bahrein. Le commandement général des fusiliers marins (Marines) -Marcent-va aussi se déplacer à Bahreïn dans les prochains jours.

Les USA, Israël et la Turquie devaient faire des manœuvres conjointes sous le nom de "Aigle anatolien", mais la préparation accélérée nécessite trois manœuvres dans les mois prochains à la base turque de Konya. Konya et Incirlik pourraient être servir de bases de départ pour les avions américains attaquant l'Irak. Les gens du pentagone se demandent si Saddam Hussein utilisera des armes chimiques et biologiques contre les concentrations de troupes et contre Israël. Ils pensent contrecarre le danger par des attaques massives de missiles. La guerre secrète utilisera des combattants kurdes en Irak du Nord et des forces chiites au Koweït. Des entraîneurs de la CIA et des forces spéciales sont déjà au Koweït pour les entraîner. Pendant ce temps, la CIA et les forces spéciales lanceront une campagne de sabotage et une campagne "de guerre d'information" (d'intox).

Le déclenchement sera la bagarre attendue sur l'inspection des armes irakiennes. Les alliés des USA espèrent que Bagdad acceptera les conditions américaines : des inspections sans limites et sans conditions, quand la question des sanctions reviendra devant l'ONU.

Mais à la Maison Blanche on dit qu'il est très improbable que l'Irak accepte les conditions très dures des USA. Et de toutes façons, "les USA ne se contenteront pas d'un oui". En d'autres termes, quoique les Irakiens acceptent, Washington s'arrangera pour provoquer une crise. La même source dit que la guerre devrait commencer mi-mai. La France, l'Allemagne et d'autres Etats européens font part de leurs réserves. Mais Tony Blair et Jack Straw (affaires étrangères) se sont faits à l'idée de la guerre.

En avril Tony Blair et George Bush vont tenir un sommet pour finaliser les détails de l'attaque contre l'Irak. Un haut fonctionnaire du Premier ministre britannique a annoncé : "ce sera la phase 2 de la guerre contre le terrorisme". Le gouvernement de Blair se prépare à publier un document révélant que Saddam tente d'amasser des capacités nucléaires rudimentaires et cherche un moyen de lancer des bombes nucléaires "sales" -- des objets rudimentaires mais qui peuvent faire mal. Les services secrets pensent aussi que Saddam développe des armes biologiques et chimiques. Le haut fonctionnaire a dit qu'il était nécessaire de maintenir un niveau élevé de soutien public à l'action militaire contre Saddam.

Le désir de Bush de renverser Saddam est attaqué en Europe. Son discours sur "l'axe du mal" a été attaqué par Jospin et Chris Patten, le commissaire européen aux affaires étrangères de l'Union. Mais Blair pense que ces attaques sont mal venues. Bien qu'il n'y ait pas de lien entre Ben Laden et Saddam Hussein, Blair et Bush sont convaincus que la question des "armes de destruction massive" sont un objet légitime d'inquiétude et d'action.

La révolte contre cette politique couve dans le parti travailliste anglais, et chez les députés travaillistes, dont la majorité pense qu'il n'y a pas de raison valable d'attaquer l'Irak.

Les services secrets américains compulsent des documents montrant l'ampleur de la conspiration d'Al Qaida contre les USA. Ils trouvent des liens avec l'Iran, la Somalie, le Soudan, le Pakistan, l'Arabie saoudite et l'Egypte. Mais pas avec l'Irak.

L'absence de liens en dépit de cette recherche devrait jeter le doute dans les esprits de ceux qui continuent à rabâcher la thèse de la "connexion irakienne". Parmi ceux-ci, au premier plan, le chef de l'opposition irakienne, Ahmed Chalabi du Congrès national irakien et ses sponsors américains, en particulier le sous-secrétaire à la Défense Paul Wolfowitz, l'ancien directeur de la CIA James Woolsey et l'ancien sous-secrétaire d'Etat Richard Perle.

Pendant ma mission comme inspecteur des armes pour les Nations Unies, je devais faire la liaison avec M.Chalabi pour rassembler des renseignements venus du réseau d'informateurs de Chalabi. Ces renseignements se révélèrent assez vides, plus de mousse que de choco. Par exemple, un "ingénieur" parlait d'un souterrain servant à cacher des documents pendant les inspections. On trouva un tunnel de drainage, mais de documents, point. Chalabi continuait à dire que s'il y avait un tunnel, cela prouvait l'existence des documents, et continuait à en parler comme s'ils étaient un fait avéré.

Quand M. Wolfowitz et compagnie eurent besoin d 'un lien entre l'Irak et les attentats du 11 septembre, Chalabi trouva une série de "déserteurs" qui avaient des "renseignements" sur l'entraînement de terroristes "Arabes" par les services secrets irakiens près de la ville de Salman park. Ils disaient le lieu équipé avec, entre autres, un avion de ligne sur lequel les "élèves" pouvaient s'exercer "en groupes de 5 et à mains nues". Le lieu existe : mais aucune preuve de son utilisation par les membres d'Al Qaida.. Après que Bush a exigé que l'Irak se soumette aux inspections détaillées de ses inspecteurs ou "en subisse les conséquences", Chalabi a de façon très opportune, trouvé un "déserteur" qui a accès aux plans secrets de Saddam pour cacher ses armes biologiques et chimiques. J'ai passé plus de six années à enquêter sur les organisations dont parle cet homme ; certaines de ses allégations sonnent vraies, mais les détails qu'il donne pour embellir ses contes sur les armes de destruction massive sont soit impossibles à prouver, soit faux.

L'Onu a cessé d'utiliser les informations de Chalabi quand la nature douteuse de ses informations a été avérée. Hélas, on ne peut pas en dire autant de la presse américaine qui leur donne la première place. […].

Plutôt que de s'appuyer sur une information venant de sources douteuses, mettons les faits sur la table. Cela pourrait nous retenir au bord d'une guerre inutile et coûteuse.

Les analogies sont délicates étant donné le rapport de forces mondial mais considérez quand même la déclaration hypothétique suivante : "l'Agence de presse chinoise annonce aujourd'hui que le gouvernement chinois a décidé de renverser le président Bush. Le débat est clos. La Chine a décidé que le programme d'armement nucléaire, chimique et biologique des USA présente une trop grande menace pour la sécurité mondiale. Les services de renseignements chinois ont présenté aux leaders mondiaux les plans d'action secrète massive, de sabotage, de guerre de l'information et de campagnes de bombardements contre les USA. Les leaders mondiaux étaient enthousiastes." Ou encore : "L'agence de presse irakienne a décidé que l'armement nucléaire, chimique et biologique d'Israël présente un danger trop grand pour la sécurité régionale. Les services irakiens ont présenté à Hussein leurs plans d'action secrète massive, de sabotage, de guerre de l'information et de bombardements massifs contre Israël. Le président était enthousiaste."

Si on met de côté l'improbabilité de ces scénarios, notre première réaction serait la révulsion morale, même s'ils contiennent chacun des éléments de vérité. Ces articles sont des faux. Reuters a publié le vrai le 13 février : "Le président Bush a décidé de renverser le leader irakien Saddam Hussein. la CIA a présenté à Bush ses plans pour une action secrète massive, et des bombardements encore plus massifs, le président était enthousiaste, etc.…" Les déclarations fictives seraient plutôt plus fondées que la déclaration réelle. Pourtant, nous les rejetterions. Qui rejettera la déclaration de Bush ? Dans le monde réel, les USA présentent une menace en termes d'armements nucléaires, chimiques et biologiques, bien plus que l'Irak, et Israël présente la même menace pour le Moyen-Orient, bien plus que l'Irak.[…]

En ce qui concerne les déclarations fictives, les gens normaux se diraient : "mais de quel droit vont-ils renverser les leaders américains ou israéliens" ? et leur réponse serait : "Ils n'ont PAS le droit". […].

Quel droit est-ce que les USA ont d'imposer des "actions secrètes massives de désinformation et de sabotage et des bombardements" au peuple irakien ? Aucun.

Ritter (voir plus haut) l'a répété, sans que personne n'ose le contredire : l'Irak est désarmé.

Les leaders US sont à nouveau assoiffés de sang irakien. Et de quel droit vont-ils en verser encore plus ? Aucun. D'imposer des sanctions qui tuent 4 500 enfants chaque année ? Aucun. D'arrêter la croissance de 23 % des enfants irakiens, Aucun. D'imposer des cancers par l'usage de l'uranium appauvri ? Aucun. De continuer à bombarder l'Irak, après avoir tué et mutilé des dizaines de milliers d'Irakiens depuis les attaques massives de 1991 ? Aucun.

Si les USA appliquaient leurs critères de façon non-sélective (les pays dont les armements menacent le plus la sécurité mondiale), ils bombarderaient en premier…les USA et Israël.

Qui se joindra au concert des justifications vertueuses des crimes contre l'humanité et l'auto-satisfaction prétentieuse sur nos engagements "nobles" pour la justice et la liberté, en détournant les yeux des villes détruites et des corps écrasés, en détournant les yeux de la monstrueuse souffrance et de l'intolérable violence que nous infligeons et infligerons si nous ne l'empêchons pas ? Qui sont les terroristes ?