Guerre en Afghanistan
Déclaration du Conseil National des Libertés en Tunisie (CNLT) (24 octobre 2001)

La paix et la sécurité dans le monde sont tributaires de la volonté de la communauté internationale à instaurer un ordre équilibré où tous les peuples auraient un accès égal à la justice, à la paix, à la démocratie et au développement.

Depuis le 7 octobre, une pluie de missiles américains recouvre le ciel de l'Afghanistan et des centaines de tonnes de bombes creusent ce pays dévasté par plus de 20 ans de guerres. Nous avions espéré que la réponse à la tragédie du 11 septembre ne soit pas habitée par un désir aveugle de vengeance, mais par une volonté à travailler davantage pour la paix et pour un monde juste.

Dans ce contexte douloureux, le CNLT tient à réaffirmer ce qui suit :

1- Ces massacres, commis au nom de la "justice infinie" ou de la «paix durable», ciblant des populations traumatisées par des dizaines d'années de guerre et soumises à la répression d'une dictature de la pire espèce, sont conduits par deux pays (USA et UK) qui se présentent comme les justiciers du monde, outrepassant le rôle de l'ONU, réduite au même moment à légitimer les frappes et à assurer les secours à leurs victimes. Comment justifie-t-on, selon les principes du droit international, des opérations militaires massives conduisant à une catastrophe humanitaire, pour capturer des suspects en dehors de toute procédure judiciaire ? Qui répondra de ces morts et qui répondra de ces déplacements forcés de populations vers des frontières incertaines? La vie des Afghans ferait-elle partie de celles qu¹on ne comptabilise pas.

2- Les attentats du 11 septembre constituent un acte de violence injustifiable qui doit être condamné de la façon la plus énergique. Ce n¹est pas seulement à des milliers de vies innocentes qu¹on a attenté, mais également à l¹espoir d¹une intégration multiconfessionnelle et pluriethnique que suscitait l¹Amérique. Les blessures du traumatisme causé par ce crime laisseront pour longtemps leurs traces dans l¹âme des survivants et des familles des victimes de cette catastrophe. Le crime ne doit pas rester impuni et les coupables doivent être jugés. Mais, c'est à la justice de déterminer les criminels après avoir recherché et produit les preuves leur garantissant un procès équitable.
Ce traumatisme ne peut en aucun cas justifier les agressions et la chasse aux sorcières contre les Américains d¹origine arabe effectuées ou tolérées par les autorités policières aux USA.

3- L'Islam est aujourd'hui suspect d'être intrinsèquement générateur de terrorisme, mais on oublie vite que le terrorisme, au sens où l'on entend la violence politique qui vise la destabilisation, n'est pas une spécialité islamique. L'Europe l'a connu notamment en Italie, en Espagne, en Irlande ainsi que les USA ; et ils ont su lui faire face jusque-là sans avoir à aliéner le choix démocratique de leurs sociétés.
Le terrorisme islamique est une menace et une réalité inquiétante. Il constitue un phénomène généré par les dictatures dans cette aire géographique avec l'appui des démocraties occidentales, surprises aujourd'hui que la menace se répande jusque sur leur sol.
L¹administration américaine, en particulier, devrait s¹interroger sur sa responsabilité dans l¹encouragement d'un «terrorisme islamique» qui s'est aujourd¹hui retourné contre elle; ils ont promu ce «terrorisme», dans l¹objectif de mieux contrôler les « routes du pétrole » et d¹assurer leurs intérêts dans cette région, en créant des réseaux à leurs services et en soutenant des régimes répressifs qui terrorisent leurs propres peuples.

4- Des enfants palestiniens sont tués chaque jour par des fusils mitrailleurs, et leurs maisons rasées par les bulldozers de l¹armée israélienne sans que la communauté internationale ne se mobilise contre ce terrorisme d¹état. Plus d'un demi million d¹enfants irakiens (selon les chiffres de l¹ONU) sont morts des conséquences de l¹embargo et des dizaines de milliers de civils ont été tués dans des raids aériens anglo-américains depuis dix ans.
La politique du double standard entache la crédibilité des états qui affichent des principes de lutte anti-terroriste. Car on ne peut affirmer l'universalité des droits de l'homme et accepter que le prix de la vie ne soit pas le même d'un pays à l'autre.

5- Certains médias occidentaux, relayant les appels à la vengeance et prenant des raccourcis que nous avions connu durant la guerre du Golfe, cultivant la psychose, la haine et les réflexes d¹enfermement, ont instauré une censure des voix différentes.
Ceux qui, comme la chaîne qatarie Al Jazira, ont cherché à expliquer, à nuancer et à montrer les effets pervers de conclusions simplistes et hâtives ; se sont trouvés en butte aux pressions de l¹administration américaine qui abuse des motifs sécuritaires pour censurer la couverture du conflit par les médias.

Il faudrait cependant rendre hommage à tous les médias occidentaux qui ont essayé de couvrir objectivement les événements et qui ont fait des efforts pour multiplier les débats, éclairant l¹opinion sur les vrais enjeux et les différents acteurs.

Le CNLT rappelle à cette occasion l¹urgence de :

1- Ne pas céder à la tentation de troquer les libertés fondamentales contre la sécurité collective. C¹est là le meilleur moyen de les perdre toutes les deux, car les régimes totalitaires se nourrissent de ce chantage.

2- Instaurer la paix et la liberté « durables » sur la légalité, la justice et le respect du droit. Hypothéquer la légalité et le droit pour des motifs sécuritaires c¹est faire le jeu du terrorisme. Dans ce contexte, il est important de restaurer le rôle de l¹ONU, en tant que cadre de résolution des conflits.

3- Agir pour la ratification urgente du statut de la Cour pénale internationale et la qualification du terrorisme comme crime contre l'humanité relevant du principe de justice pénale universelle. Auparavant, il est impératif d¹unifier les concepts définissant le terrorisme.

4- Reconstruire les ponts entre l'Orient arabe et islamique et l'Occident. On nous a annoncé «doctement » un "choc des civilisations", et il nous appartient de construire des espaces de dialogue et « d¹engagements communs » en refusant cette lecture du monde manichéenne.

5- Encourager les mouvements citoyens dans ces sociétés et combattre cette politique profondément raciste que l'Occident promeut depuis des décennies en soutenant avec constance dans le monde arabe et islamique les pires dictateurs.

6- Appuyer le pluralisme de l'information en toutes circonstances. Et dénoncer sans distinction les atteintes à la liberté des médias et toute forme de censure sur Internet et les moyens de communication.

La paix et la sécurité dans le monde sont tributaires de la volonté de la communauté internationale à instaurer un ordre équilibré où tous les peuples auraient un accès égal à la justice, à la paix, à la démocratie et au développement.

Pour le Conseil
La porte-parole
Sihem Bensedrine

 

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