Lettre de la CICG (n° 8)
23 mars 2002
23 mars 2002

 

SOMMAIRE

  1. Décompte

  2. Opinion : Le deal du siècle ou une nouvelle arnaque ?
    Guerre en Irak contre résolution de la crise palestinienne

    par Christine Delphy (CICG)

  3. Rendez-vous militants

 

1) DÉCOMPTE

Aujourd'hui, 22 mars 2002, 357 militaires  ont signé la pétition des objecteurs de conscience israéliens et 8080 personnes la pétition de soutien aux objecteurs de conscience israéliens

 

2) OPINION

 

Le deal du siècle ou une nouvelle arnaque ?
Guerre en Irak contre résolution de la crise palestinienne

par Christine Delphy (CICG)

 

Selon tous les analystes et commentateurs, l’Europe, la Russie et les pays arabes sont prêts à laisser les États-Unis partir en guerre contre l’ Irak. L’opposition des gouvernements européens à la guerre se fait de plus en plus silencieuse. Tony Blair depuis le début approuve sans réserves Bush, tandis que Jack Straw, affaires étrangères, et surtout Clare Short, ministre du développement, promettent des débats houleux à la Chambre des communes. Mais aucun doute que la ligne Blair ne prévale. Les autres pays européens ne s’opposent plus totalement à la guerre.

Les raisons de cette soumission aux humeurs américaines sont de trois ordres :

1) « On ne peut pas lutter contre la détermination américaine, et il vaut mieux être avec eux que les laisser agir seuls ». C’est la ligne de conduite générale des gouvernements européens, qui craignent l’unilatéralisme  américain. Cela les conduit à suivre les États-Unis, qui restent donc seuls à décider : n’est-ce pas la définition même de l’unilatéralisme que les Européens prétendent empêcher?

2) « On peut poser quelques condition si on ne les contre pas » : ainsi, celle que les États-Unis « résolvent » le conflit israélo-palestinien, et prennent en compte les plans de paix européen et saoudien.

3) Pour obtenir ce  quid pro quo  : « donnez-nous les Palestiniens, on vous laisse Saddam », les pays arabes, et notamment le prince Abdallah de Jordanie, en appellent à la rationalité des USA : vous ne pouvez pas vous permettre d’avoir deux fronts, deux crises, deux guerres, en même temps dans la même région. (Interview du Prince Abdallah, Le Figaro, 17 mars).

Les pays européens, eux, outre ce quid pro quo, demandent un semblant de légalité : la France veut que l’Irak accepte le retour des inspecteurs de l’ONU, l’ensemble de l’Europe souhaite un « mandat de l’ONU ».

 

Un jeu de dupes : la guerre en Irak est absurde et immorale, et les USA ne veulent pas d’une paix juste au Proche-Orient – ne veulent pas de paix du tout

« L’appareil militaire américain ressemble maintenant à ces couples qui vont toujours en vacances au même endroit. Il sont assis au Pentagone en train de bougonner : ‘Nous bombardons toujours le même endroit, chaque année. Cette année, nous avons regardé les prospectus et nous avons pensé à bombarder un nouvel endroit, comme le Yémen ou la Corée du Nord, mais finalement on s’est dit qu’on n’allait pas prendre de risques et qu’on s’en tiendrait à l’Irak comme d’hab.’

Parce que Saddam a acquis des « moyens de destruction massive ». Juste maintenant, quand c’est l’année où les États-Unis peuvent tout obtenir juste en montrant le « ground zero ». Quelle coïncidence. Et nous savons que c’est vrai parce qu’il ‘y a des preuves’. Fin de la discussion.

Quelles preuves ? Sans doute du type produit par le chef de l’OTAN, George Robertson, quand il a montré une canule irakienne, et a annoncé que cette canule serait mortelle si Saddam la remplissait d’anthrax fatal. Une bouteille de limonade serait mortelle aussi si on la remplissait d’anthrax, et l’axe du mal devrait comprendre non seulement l’Irak, mais aussi l’usine d’embouteillage de la compagnie Schweppes à Sidcup.

Je suis un peu perplexe malgré tout. En 1991, Saddam avait disposé de dix ans pour construire des engins de destruction massive, aidé et encouragé qu’il était alors par les Américains. Et tout ce qu’il a produit, c’est le Scud. Qu’on peut mettre à feu sans danger dans son jardin, à condition de ne pas le garder à la main après l’avoir allumé. […]

Chaque nouvelle phase de la guerre contre le terrorisme rend plus clair que le but réel n’a rien à voir avec le World Trade Center, qu’il s’agit de rien moins que la « full spectrum dominance » : le pouvoir absolu dans tous les domaines et partout. […]

Dans un article typique récemment, un Américain écrit qu’il « y avait réfléchi à deux fois  avant de devenir papa dans un monde  ‘ post-11septembre’ ». C’est drôle que cela ne le gêne pas de devenir papa dans un monde ‘ post-napalmage du Cambodge’,  ‘post-renversement d’Allende par la CIA’ , ‘post-Contra’. A l’accusation que dire cela fait de moi un « anti-américain », je réponds :[…] suggérer que parce qu’on critique l’appareil militaire américain on est  ‘anti-américain’ c’est comme suggérer que critiquer les techniques de Mengele c’est avoir une  ‘haine instinctive des médecins’.

Aussi frappadingues qu’ils (les Américains) deviennent, Tony Blair sera avec eux. Certains suggèrent qu’en restant fidèle à Bush, notre premier ministre acquiert une influence sur lui. C’est vrai ? Tony Blair lui lèche le cul si assidûment que George maintenant écoute l’avis de Tony au sujet de quelle fesse celui-ci devrait lui lécher en premier. »

(Extraits de : « Pas besoin de preuves, larguez la bombe H sur Bagdad » par Mark Steel, The Independent, 14 mars).

 

L’attaque américaine est proche : la CIA a visité trois aéroports en Irak du nord

La CIA a visité trois aéroports-clé en Irak du nord. C’est le signe que les USA vont y faire la guerre, en dépit des objections de leurs alliés. Ces aéroports, situés près de villes de Arbil, Dohuk et Sulaimaniyah au Kurdistan –la seule partie de l’Irak non contrôlée par Saddam Hussein – pourraient recevoir des armes et des troupes américaines en cas de conflit.

La visite de la CIA a grandement embarrassé les Kurdes. Les deux principaux partis, le Parti démocratique du Kurdistan, dont le chef est Massoud Barzani, et l’Union patriotique du Kurdistan, dont le chef est Jalal al-Talabani, avaient dit aux délégués du State Department l’année dernière, qu’ils n’agiraient pas contre Saddam à moins que les USA n’aient un plan précis pour le renverser. Après la visite de la CIA, ces deux leaders ont du faire des voyages éclairs à Damas, pour assurer la Syrie qu’ils n’avaient pas l’intention de prendre les armes contre Saddam Hussein.

En effet, si les USA comptent employer la même technique qu’en Afghanistan, rester dans leurs avions et compter sur les troupes locales au sol, aucune chance de réussite : les 15 000 Kurdes ne feront pas l’affaire devant les 400 000 soldats de l’armée irakienne.

(Source : “CIA survey of Iraq airfields heralds attack”, par Patrick Cockburn, The Independent,18 mars

http://news.independent.co.uk/world/middle_east/story.jsp?dir=75&story=275699&host=3&printable=1)

 

Il y a des alternatives à l’option militaire

Hans von Sponeck, ancien coordinateur humanitaire de l’ONU, écrit dans Counterpunch le 10 janvier :

Le Congrès US a voté en 1998 dans la résolution «  Acte de libération de l’Irak » que le but de l’administration est de renverser Saddam Hussein. La question pour les USA est maintenant seulement de vendre cette guerre au reste du monde—le public américain s’en fiche.[…]

Pourtant il n’y a pas de raisons convaincantes de déclarer la guerre à l’Irak. L’Irak n’a trempé dans aucune des attaques terroristes, et n’a plus de moyens de destruction massive. Admettre cela, cependant, serait la fin de la politique américaine vis-à-vis de l’Irak […]

La guerre et les sanctions ont fait des milliers de victimes innocentes en Irak. […]

La seule raison qu’on puisse invoquer est que Saddam est un tyran : mais l’illégalité nationale n’excuse pas l’illégalité internationale. Or la déclaration universelle des droits humains et autres instruments du droit international ont simplement été ignorés dans le cas de l’Irak. Que faut-il faire maintenant ? D’abord, laisser l’Irak parler au conseil de sécurité des Nations-Unies. Le ministre irakien des affaires étrangères, Tarek Aziz, a offert de façon répétée de dialoguer sur toutes les questions.  On ne doit plus le lui refuser. Quand finalement en février 2001, Aziz a pu rencontrer Annan, cela a été un bon début : Aziz a présenté un texte de positionnement exhaustif, qui pouvait être une base de discussion. Mais Kofi Annan n’a pas pu poursuivre, les USA et la Grande-Bretagne insistant que les discussions bilatérales soient terminées avant que des discussions mulilatérales soient amorcées. Cette impasse a coûté des milliers de vies.[…]

Puisque les USA veulent renverser Saddam, ils ne peuvent pas avoir de négociations bilatérales avec lui. Et par ailleurs, le renversement d’un régime ne peut pas être à l’ordre du jour des Nations-Unies : ceci présente un dilemme pour les Américains. Ce dilemme ne peut être résolu que s’ils acceptent le retour des inspecteurs en Irak ET la levée des sanctions après 60 jours. »

(Source : www.zmag.org/ZNET.htm)

 

Le plan de paix américain pour le Proche-Orient : plus ça change…

Le vice-président américain , Dick Cheney, est arrivé le 18 mars en Israël. Il a déclaré qu’il refuserait de voir le président Arafat tant que celui-ci n’aurait pas produit un cessez-le-feu. Il répète ainsi les propos du général Zinni, déjà sur place, demandant aux Palestiniens de cesser unilatéralement les hostilités. Le jour même de son arrivée, Sharon a tenu à Cheney un discours guerrier : « nous combattons le même terrorisme que vous, le terrorisme est le terrorisme, etc.».

(Source :http://news.independent.co.uk/world/middle_east/story.jsp?story=276059)

 

Sharon ne tient aucun compte de la lettre très ferme que lui a adressée la semaine précédente Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU. Annan, d’habitude indulgent vis-à-vis d’Israël, écrit que Sharon a déclenché une véritable guerre à tout-va, citant : l’utilisation d’avions de chasse F-16, d’hélicoptères et de bateaux porteurs de missiles, le largage de bombes de gros tonnage. Il critique les démolitions de maisons, le ciblage des civils, les attaques contre les hôpitaux et les écoles, l’assassinat de brancardiers et les mitraillages d’ambulances ; il réfute la thèse israélienne selon laquelle les ambulances transporteraient des partisans. « Israël a le droit de se défendre contre les attentats, mais cela ne le dispense pas de respecter les règles du droit international » écrit-il en substance.

(Source : http://news.independent.co.uk/world/middle_east/story.jsp?story=275978)

 

De toute évidence, tant que Sharon est assuré, et ré-assuré par les propos de Cheney, que les USA sont toujours aussi loin d’une quelconque impartialité, tant que les USA font comme si la seule violence était celle des partisans et ignorent celles dénoncées par Kofi Annan, tout plan de paix établi et géré par les USA ne peut être qu’une farce. En effet, si les Américains ne sont pas capables de demander à Sharon de cesser de tuer des civils, on ne voit pas comment ils pourraient lui demander de cesser de développer les colonies, sans parler même de les retirer.

Les Palestiniens sont très amers devant cette partialité, et refusent de rencontrer Cheney tant que lui-même refusera de rencontrer Arafat.

 

La politique du fait accompli : 34 nouvelles colonies en 18 mois

Un survol aérien effectué par « La paix maintenant » révèle que depuis que Sharon est au pouvoir, 34 nouvelles colonies ont été installées en territoire palestinien, contrairement aux assertions du gouvernement israélien qui dit se conformer aux accords d’Oslo, et contrairement aux stipulations du droit international, très claires mais  sans effet depuis…1967 qui interdisent toute colonisation ou annexion de territoires conquis par la force.

(Source :http://news.independent.co.uk/world/middle_east/story.jsp?story=276379)

 

Pas un deal, une arnaque

Il est clair que les USA na vont pas faire la paix au Proche-Orient parce qu’ils vont suivre la politique israélienne comme d’habitude, et demander que les Palestiniens fassent toutes les concessions, et les Israéliens aucune. Ils se livrent pour l’instant à une farce qui ne devrait pas durer longtemps, car les Palestiniens n’accepteront pas ni l’humiliation imposée à Arafat , ni le blanc-seing donné de facto à la poursuite des violences israéliennes sans réagir. Les Américains leur imputeront la fion des négociations,  comme d’habitude. Mais les USA auront gagné du temps, du temps de préparatifs de guerre : eux aussi poursuivent une politique du fait accompli et du chantage. Ils mettront le reste du monde devant le fait accompli que leurs avions sont prêts à décoller. Le chantage sera : on va le faire de toutes façons, à quoi cela servirait-il de nous désavouer ? Et c’est vrai que cela ne servirait à rien, sinon à se fâcher. Les Européens feront voter une résolution internationale quelconque, pour ne pas avoir à se désolidariser des USA, et se retrouveront co-responsables d’un acte qu’ils auront tenté d’empêcher : oui, mais avec trop peu de conviction. C’est comme ça qu’on se retrouve complice.

 

 

6) RENDEZ-VOUS MILITANTS (voir aussi : manif.htm)

A) La Coalition Internationale Contre la Guerre (CICG) organise un forum « Guerre sans fin – Fin du droit » le samedi 6 avril de 10h à 16h à la Bourse du travail, 3 rue du Château d'Eau, 75010 Paris.

10 h – 12 h 30
Préparatifs de guerre contre l'Irak : Philip S. GOLUB (Enseignant à l'Université Paris 8 et Journaliste)
Situation en Palestine : Dominique VIDAL (Journaliste)
Détention arbitraire à Guantànamo : Géraud DE LA PRADELLE (Professeur de Droit Privé à l'Université de Paris X-Nanterre) et Christine DELPHY (Chercheuse au C.N.R.S.)

13 h 30 – 16 h
Déclin, Mort ou Refondation du droit international depuis le 11 septembre : Robert. CHARWIN (Professeur à l'Université de Nice, Spécialiste du Droit International)
Atteintes aux libertés dans le monde : Nils ANDERSSON (Spécialiste du Droit International)
Mesures sécuritaires et droits individuels en Europe : Alima THIERRY-BOUMEDIENNE (Députée Européenne-Les Verts)

B) Samedi 23 mars, 15h., Place de la République, Paris 

Une grande manifestation pour la Paix au Proche-Orient, pour le retrait de l'armée israélienne des Territoires occupés en 1967, pour l'établissement d'un État palestinien aux côtés de l'État israélien et pour une force de protection internationale des populations civiles palestinienne. 

A l'appel de :
Abnah Philistine (Enfants de Palestine), Les Alternatifs, Appel des Cent, Les Amis de l’Archéologie palestinienne, Association de défense des droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM), Association “Dignités”, Association France-Palestine-Solidarité (AFPS), Association des jumelages France-Palestine (AJFP), Association des Marocains en France (AMF), Association des Palestiniens en France (APF), Association des travailleurs maghrébins en France (ATMF), Association des Tunisiens en France (ATF), Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP), Collectif interuniversitaire pour la coopération avec les universités palestiniennes (CICUP), Comité Azmi Bishara, Comités de solidarité en Ile-de-France, Comité de vigilance pour une paix réelle au Proche-Orient (CVPR), Confédération générale du travail (CGT), Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient (CAPJPO), Coordination des groupes femmes “Egalité”, Droit-Solidarité, Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés (FASTI), Fédération syndicale unitaire (FSU), Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Femmes solidaires, Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR), Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), Mouvement de la paix, Parti communiste français (PCF), Parti communiste des ouvriers de France (PCOF), Rencontres progressistes juives (RPJ), SUD-PTT, SNPTAS-CGT, Union générale des étudiants de Palestine (GUPS-France), Union juive française pour la paix (UJFP), les Verts

 

 

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