Un message de Shalom Paix Salam,
collectif juif arabe à Caen
Nous militons au sein de l'agglomération caennaise pour
le droit du peuple palestinien.
Shalom Paix Salam, collectif juif arabe : nous sommes quatre juifs, cernés de
près dans un imbroglio moral, culturel mes grands parents ont été déportés
à Auschwitz je suis juive, non religieuse, non sioniste, j'éprouve le besoin
de comprendre.
Qu'à cela ne tienne, je pars en Palestine, une semaine dans le camp de Jenine
et je ne comprends pas.
Je ne comprends pas pourquoi le portrait de Rachel Corrie, écrasée par un
bulldozer se trouve affiché entre celui de Yasser Arafat et celui de Sadam
Hussein.
Je m'appelle Ariel, comme Ariel Sharon et dans le camp de Jenine, je ne peux pas
dire comment je m'appelle, mon prénom fait peur aux enfants.
Ils sont broyés les enfants. Nous avons décidé, comme au Maroc, comme en
Colombie, de faire une grande toile avec eux. Mais ils sont tellement nerveux,
les enfants de Jenine, qu'ils détruisent les pinceaux,
Ils sont attirants et menaçants, les enfants de Jenine. C'est un petit peuple
incarcéré qui ne distingue pas très bien à qui il a affaire.
Le premier réflexe des enfants de Jenine, c'est de lancer des pierres, et pour
ne pas se faire lapider, il faut l'appui des adultes du camp ou bien courir
vite.
Les pierres des enfants du camp de Jenine peuvent blesser l'âme, mais si on les
regarde attentivement, ces enfants là, on se dit qu'ils se comportent ainsi
parce que nous les avons abandonnés.
Au centre du camp, il y a maintenant une vaste étendue de vide : 280 maisons
ont été détruites et les lambeaux de murs encore debout portent une
inscription, en rouge « give me liberty or give me death ».
Certains adolescents sont devenus fous après avril 2002. L'un d'entre eux pour
être resté durant dix jours séquestré avec les cadavres de sa mère et de
son jeune frère qui se vidaient de leur sang.
Au centre culturel, une exposition : pêle-mêle, des photographies du camp il y
a un an ; certaines, insoutenables sont pudiquement recouvertes de tissus noir,
les enfants ont dessiné des chars, des bulldozer démolissant les maisons. une
galerie des photos de martyrs (les « shahids ») des combattants représentés
armes à la main des non combattants sans armes des enfants Arafat Rachel Corrie,
Sadam Hussein !!!.
Joss DRAY accroche sa propre exposition « mémoire de Jenine » . Un premier reproche
lui est fait : pourquoi « mémoire de Jenine » et pas « mémoire du camp de
Jenine », ici, on est pas de la ville, on est du camp et ça fait une belle
différence. Au camp, on est des réfugiés de 48, on attend de revenir dans le
village d'origine, en ville, ils sont chez eux.
Deuxième reproche, exprimé par Akram, un des représentants du camp : cette
exposition est trop romantique ! Oui les images rapportées par Joss sont
belles, esthétiques, pas assez sanguinolentes, mais au bout de quelques jours,
les habitants du camp viennent et reviennent observer ces images d'eux-mêmes
qui leur viennent d'ailleurs. Joss, la juive, qui soutient le peuple palestinien
depuis si longtemps a voulu leur dire quelque chose, apporter sa vision et le
message passe. Ils savent qu'elle les aime, ça fait vingt ans qu'elle revient
les voir. Elle a consigné leur mémoire, la mémoire de Jenine.
La nuit les chars font des « incursions » autour du camp. Pendant le sommeil,
quand le silence est absolu, on entend uniquement le son que font les chenilles.
On a l'impression d'être dans un cauchemar, ou dans une mauvaise série B, un
monstre dans la nuit braille et son cri est incompréhensible mais terrible.
On est pas très à l'aise lorsqu'on se balade dans le camp de Jenine, qu'on est
européenne, qu'on va se tirer dans quelques jours et qu'on s'appelle Ariel,
comme le tortionnaire. Mais c'est le prénom que mon père a choisi pour moi,
mon père orphelin de père et de mère gazés à Auschwitz.
Je ne suis pas antisémite, je ne suis pas révisionniste, mais, Monsieur
BADDACHE, je souhaite qu'on boycotte les produits israéliens, qu'on gèle les
accords d'association tant que l'état d'Israël fera comme si le peuple
palestinien était composé de cailloux sur « une terre sans peuple ».
Il a fallu que j'avale ma rage au check point de Kalandia, que je fasse comme si
je ne voyais pas les rangées de palestiniens traités comme un troupeau de bêtes
se ranger en file et attendre le bon vouloir d'un petit militaire teigneux
et braillard, placé là justement parce que ses jappements sont
impressionnants.
Au retour à Jérusalem, je me suis promenée dans la vieille ville : en plein
centre du quartier arabe, Jérusalem Est, un immeuble est surplombé d'un grand
chandelier à sept branches et la façade est couverte d'un gigantesque
drapeau israélien. J'apprends que c'est une propriété d'Ariel Sharon.
Ariel Sharon est à lui tout seul une armée d'occupation dans la vieille ville.
De la même façon qu'il a été se balader à l'automne 2000 sur l'esplanade
des moquées il marque ainsi insidieusement son territoire.
Je suis allée visiter le mémorial de YAD VASHEM, musée de l'holocauste et
j'ai pleuré. On m'a dit que YAD VASHEM a été construit sur un village
palestinien rasé je suis allée là-bas pour comprendre et je n'ai pas compris.
Comme je ne suis pas allée à Gaza, comme j'ai pris la précaution de me rendre
à l'aéroport en taxi israélien, je n'ai pas eu sur mon passeport de signe
distinctif, je n'ai pas eu sur mes bagages de pastille rouge, je n'ai pas eu d'étoile
jaune. Non là je me trompe d'histoire. L'année prochaine à Jenine ?
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