Un programme pour la paix
Par David Cortright 
Coorditrad, traducteurs bénévoles (*)

Source Grain de sable n° 421 - Mai 2003

The nation April 21 2003 
www.thenation.com

Alors que le gouvernement Bush poursuit son invasion illégale et injustifiée de l'Irak, il nous faut nous armer pour faire face aux jours difficiles qui nous attendent. Il nous faut aussi nous persuader que notre travail en faveur de la Paix ne fait que commencer.

Il ne faut ni faiblir dans nos critiques fondamentales sur la guerre de Bush ou nous laisser bâillonner. Cette guerre était et est complètement inutile, l'Irak était en train d'être désarmé dans le cadre d'un processus diplomatique pacifique. Il avait fait de nombreuses concessions aux demandes de l'ONU et avait commencé à détruire ses fusées et à dévoiler ses activités en matière d'armement quand les USA lancèrent leur attaque. Une guerre sans raisons contre un autre pays, sans l'approbation du Conseil de Sécurité, est illégale devant la loi des USA comme devant la loi internationale. Une telle guerre ne peut jamais se justifier.

La guerre rend notre action plus importante et nécessaire que jamais, elle comporte de nouveaux défis importants, mais offre également de nouvelles possibilités. Il nous faut organiser une large campagne pour répondre aux causes et aux conséquences de cette guerre et éviter de telles aventures dans le futur.

Il nous faut tout d'abord reconnaitre les résultats extraordinaires obtenus ces derniers mois. Nous avons réussi à lancer le mouvement en faveur de la paix le plus grand et bénéficiant de l'assise la plus large de toute l'histoire. Un mouvement auquel ont adhéré des millions de gens tant ici que dans le reste du monde.

Jamais auparavant, les églises des Etats Unis depuis la Conférence des Evêques Catholiques jusqu'au Conseil national des Eglises, n'avaient uni leurs voix aussi résolument contre la guerre. Jamais jusqu'alors autant de Syndicats n'avaient soutenu le mouvement anti-guerre. Pratiquement, de chaque secteur de la société civile : cadres et dirigeants d'entreprises, groupes d'action féminines, défenseurs de l' environnement, artistes, musiciens, afro-américains, latins, s'est élevée une forte protestation contre la guerre. Des réunions et des veillées contre la guerre ont été organisées dans des milliers de communautés et de nombreuses municipalités ont voté des déclarations anti-guerre.

Le fait que cet effort n'ait pas réussi à faire éviter la guerre est le reflet non de notre faiblesse mais de l'échec de la démocratie aux USA ainsi que de la puissance du militarisme dans ce pays.

Le gouvernement Bush a fait preuve du mépris le plus total de l' opinion publique tant américaine qu'étrangère. Il a utilisé la crainte légitime du terrorisme pour justifier un prétendu lien entre l'Irak et Al Qaeda et a refusé d'informer la Nation ou le Congrès sur le coût de l'invasion et de l'occupation de l'Irak jusqu'à ce que la guerre ait été commencée.

Notre objectif immédiat dépendra de la tournure que la guerre prendra, qu'il s'agisse d'une rapide campagne "victorieuse", ou qu'elle devienne une guerre de harcèlement s'étirant en longueur et accompagnée d'attaques de franc-tireurs et de guérilla. Nous espérons que les pertes seront limitées des deux cotés, mais nous savons qu'une victoire rapide ne pourra que favoriser la politique que nous abhorrons. Nous exhortons notre gouvernement de faire le maximum pour éviter pertes humaines et destructions inutiles.

Notre programme à court terme devrait inclure les points et les requêtes suivantes :

- Protéger les innocents : Les USA devraient apporter une aide humanitaire et économique massive au peuple iraquien ainsi qu'aux autres populations vulnérables de la région. Nous devrions aider à la reconstruction et au développement de l'Irak. Cette assistance devrait être le fait d'Agences Civiles et non pas du Pentagone. Nous devrions également fournir le chiffre exact des victimes civiles.

- Apporter notre soutien aux femmes et aux hommes des forces armées. Nous regrettons que le Haut Commandement les ait envoyés effectuer cette mission inutile, mais nous les respectons et les remercions pour leur service. Nous requérons une assistance toute spéciale aux familles des militaires et des réservistes qui ont été envoyés dans le Golfe Persique et un effort particulier pour résoudre les problèmes médicaux de ceux qui auront servi dans le golfe. Plus de 167.000 vétérans souffrent encore d'handicaps suite à leur participation à la première guerre du Golfe. Nous condamnons les diminutions d' indemnisation des vétérans approuvées par le Congrés dominé par les républicains et réclamons une amélioration de l'aide médicale et des autres soutiens accordés aux vétérans.

- Rapatrier les troupes : Nous exigeons le retrait des forces armées US de l'Irak aussitôt que possible et nous nous opposons à leur séjour à long terme ou à la création de bases US permanentes en Irak.

- Pas de guerre ou de menace militaire contre l'Iran : Nous nous opposons à toute tentative d'influencer ou de menacer l'Iran d'une invasion. Nul n'ignore que les extrémistes à Washington et en Israël sont favorables à une attaque de l'Iran qui constituerait la phase suivante de la " guerre au terrorisme ". Cela serait une autre catastrophe pour la cause de la Paix contre la quelle il faut résister.

- Pas de guerre pour le pétrole : Nous nous opposons à toute tentative US en vue de s'emparer du contrôle du pétrole Iraquien ou d' obtenir un pourcentage sur les revenus du pétrole iraquien. La propriété du pétrole iraquien doit rester au peuple iraquien. L'Irak a été la première nation arabe à nationaliser ses ressources pétrolières et elle doit être autorisée à en garder le contrôle pour reconstruire son économie et sa société.

- Paix au Proche-Orient : Les USA doivent apporter un concours actif à un véritable processus de paix entre Israël et la Palestine.

Nous devons faire pression sur les deux cotés afin qu'un accord de paix mette fin aux violences et permette la création de deux états souverains et viables.

- Désarmement de la Région : Les accords de cesser le feu après la première guerre du golfe en 1991 spécifiaient que le désarmement de l' Irak devait constituer le premier pas vers la création dans le Proche-Orient d'une " Zone sans armes de destruction massive " . Leur élimination en Irak devrait par conséquent être suivie de leur élimination dans toute la région.

Notre réponse à la guerre et à l'occupation militaire de l'Irak, doit également inclure une vision à plus long terme d'une politique alternative de sécurité pour notre pays.

Le gouvernement Bush prétend que l'alliance mortelle du terrorisme et des armes de destruction massive requiert une politique extérieure radicalement nouvelle basée sur les actions militaires préventives et sur l'affirmation unilatérale de la puissance technologique des USA. C 'est là la politique qui a été appliquée en Irak. IL nous faut proposer une optique alternative, qui prenne au sérieux le terrorisme et le danger de la prolifération, mais qui permette une stratégie plus sure, moins couteuse, et finalement plus efficace de faire face à ces menaces.

Les grandes lignes de notre stratégie alternative apparaissent dans les propositions que nous avons faites dans le débat en cours sur l' Irak.

Nous sommes en faveur du désarmement de l'Irak, de la Corée du Nord et des autres pays considérés par la communauté internationale comme des puissances nucléaires potentielles.

Nous sommes en faveur de missions sévères de contrôle des armements par les Nations Unies pour vérifier le désarmement.

Nous comptons sur notre gouvernement pour agir diplomatiquement au travers du conseil de Sécurité des Nations Unies. Nous sommes en accord avec des sanctions ciblées ( restrictions en matière financière et de voyage de certaines personnalités et embargo sur les armes) et tous autres moyens pour controler les pays récalcitrants.

Nous sommes également d'accord avec la suppression des sanctions et l' offre d'incitations comme moyens de persuasion. Nous soutenons la campagne contre le terrorisme et sommes en faveur d'efforts accrus de coopération en vue de trouver les responsables de l'attentat du 11 septembre 2001 ainsi que pour le gel de leurs avoirs.

Dans le même temps, nous déclarons qu'au bout du compte, le désarmement doit être universel. Le désarmement de l'Irak doit être lié au désarmement régional, qui lui même doit être lié au désarmement mondial. Le système à deux poids et deux mesures des USA et autres pays nucléaires aux termes duquel, ils pourraient indéfiniment posséder ces armes terribles tout en les interdisant au reste du monde ne peut pas durer. Le Traité de Non-Prolifération Nucléaire de 1968 était basé sur un marchandage - Les puissances nucléaires confirmant leur accord de poursuivre le désarmement à condition que le reste du monde renonce à l'option nucléaire.

Plus les USA et leurs partenaires nucléaires refuseront de se soumettre à leur obligation de se désarmer, et plus il y a de chance que le régime de non-prolifération s'écroule.

La seule vraie garantie contre les dangers nucléaires est l' application d'un bannissement total des armes nucléaires. Les armes chimiques et biologiques sont déjà bannies.

Le danger beaucoup plus terrible de l'armement nucléaire doit lui aussi faire l'objet d'une interdiction universelle.

Cette interdiction universelle des armes de destructions massives est la meilleure protection contre le danger que des terroristes puissent en acquérir et les utiliser. Par conséquent, l'obligation de désarmer faite à l'Irak doit être appliquée au monde entier. Toutes les armes nucléaires, chimiques et biologiques ainsi que les fusées à longue portée devraient être bannies partout, par tous les pays. Tel est la voie vers un futur plus sur.

Evidemment, bannir les armes de destruction massive n'aurait aucun sens, sans l'existence de moyens surs et efficaces d'en contrôler le respect.

Pour obtenir le désarmement du monde, il nous faudrait des mécanismes de contrôle et de coercition beaucoup plus puissants que ceux existant actuellement. Les politiques que nous avons défendues pour le désarmement pacifique de l'Irak - inspections rigoureuses, sanctions ciblées, et diplomatie coercitive multilatérale - peuvent et doivent être appliquées universellement pour se débarrasser réellement de façon universelles des armes de destruction massive.

La capacité d'inspection des Nations Unies devrait être centuplée et déployée dans le monde entier pour contrôler et vérifier le bannissement universel des armes de destruction massive.

Les nations qui refuseraient de se plier à cette interdiction devraient faire l'objet de sanctions ciblées et de pressions diplomatiques de la part des Nations Unies et d'autres organismes de sécurité régionale.

Vice-versa les pays coopérant avec ces organismes devraient bénéficier d'incitations sous forme d'aide économique, de préférences en matière de commerce et de technologie, ainsi que d'une assurance en matière de sécurité. Une telle politique combinée à un engagement sérieux en faveur d'un développement soutenable des pays en développement, constituent un moyen viable d'assurer le respect d'un mandat de désarmement mondial.

Il ne s'agit pas là d'un pacifisme, prohibant toute utilisation de la force armée. La menace militaire est parfois une composante nécessaire d'une action de pression diplomatique.

Dans certaines circonstances, l'usage effectif de la force, idéalement de façon limitée et bien ciblée, et avec l'aval du Conseil de Sécurité des Nations Unies ou des organismes de sécurité régionale, peut être nécessaire.

Contrairement à ce qui fut le cas avec le gouvernement Bush, l' approche que nous proposons, pourrait permettre l'usage de la force en dernier ressort, quand tous les autres moyens diplomatiques pacifiques auraient échoué et seulement avec l'autorisation expresse du Conseil de Sécurité des Nations Unies ou des organismes de sécurité régionale.

Dans aucun cas, les USA ou tout autre pays n'auraient le droit de lancer une invasion militaire en vue de renverser un gouvernement pour éxécuter une opération de désarmement.

Les USA devraient plutôt respecter la Charte des Nations Unies et s' efforcer d'obtenir le désarmement et de résoudre les différents entre les pays par des moyens diplomatiques pacifiques.

Le défi que nous affrontons en voulant réaliser ces objectifs à court et à long terme, est de changer l'orientation politique et le pouvoir aux USA.

Dans les débats politiques qui suivront, il nous faudra concentrer nos énergies en vue de créer une assise politique massive susceptible de présenter des candidats pour défendre cette vision.

Nos chances d'éviter de futurs désastres militaires dépendent à court terme du départ du gouvernement Bush et de l'élection d'une nouvelle équipe politique orientée vers la coopération internationale et la paix. Il s'agit là d'un défi politique considérable, qu'il sera très difficile de mener à bien avant novembre 2004.

Il nous faut nous y mettre dès maintenant, toutefois, il nous faudra rester ferme sur cet objectif dans le futur, en se préparant dés maintenant pour des élections futures qu'il y aura probablement lieu d 'attendre pour arriver à nos fins.

Nous devons également être conscients de l'énormité du défi que nous devons affronter en cherchant à réduire le pouvoir de-facto du complexe militaro-industriel qui constitue un véritable gouvernement occulte quelque soit le parti officiellement au pouvoir.

Cela ne sera possible que grâce à l'appui d'un mouvement-citoyen de masse décidé à venir à bout à long terme du défi constitué par le changement total du rôle des U S A dans le monde. Cette tache commence maintenant, alors que l'invasion de l'Irak continue. Nous n'avons pas le temps de nous lamenter. C'est une vie entière dédiée à l' organisation et à la formation qui nous attend.