Du pire empire : Guantanamo, du premier au troisième empire
yankee1.
Un rappel historique, par le Collectif Guantanamo
13 avril 2003
Les États-Unis d’Amérique, en éliminant successivement les autres
empires concurrents (espagnol, nippon, britannique, français et enfin
soviétique), ont su bâtir une domination impériale qui s’est toujours faite
au nom de la liberté des peuples et de leurs citoyens. La base militaire US de
Guantanamo, sur l’île de Cuba, est née lors de la première expansion
impériale yankee – faite sur les décombres de l’Empire espagnol, au
détriment des révolutions cubaine, porto-ricaine et philippine et de celui de
l’indépendance de la nation hawaiienne - ; elle sert aujourd’hui de camp de
concentration dans le cadre de ce qui doit être la troisième et ultime
expansion impériale des États-Unis d’Amérique : l’Empire planétaire et
spatial.
L’expansionnisme yankee a évidemment commencé avec
la " Conquête de l’Ouest ", cette croisade qui visait et réalisa
le génocide des nations amérindiennes. Il s’est poursuivi par les guerres
menées contre le Mexique (1835-1848) qui permirent l’annexion du
Nouveau-Mexique et de la Californie. Mais c’est outre-mer qu’il faut
rechercher la genèse de l’impérialisme - prôné par le capitaine A. T.
Mahan - puis de l’Empire yankee, précisément au tournant des 19e et 20e
siècles dans cette Méditerranée américaine qu’est la mer des Caraïbes (la
mare nostrum de l’Oncle Sam), notamment à Cuba.
Les Yankees contre la Révolution cubaine
En février 1895, le Parti révolutionnaire cubain relança la guerre d’indépendance
entamée par la " guerre de dix ans " (1868-1878). Des foyers
insurrectionnels furent allumés, notamment par les généraux Calixto Garcia et
Antonio Maceo, contre le gouvernement colonial espagnol en vue d’atteindre les
buts définis par José Marti et Maximo Gomez dans le manifeste de Montecristi
(mars 1895): " l’indépendance absolue de l’île de Cuba ", la
création d’une république et la mise en échec des projets états-uniens d’intervention
et de mise sous tutelle2. Le remplacement de la métropole européenne et
l’annexion de Cuba par les États-Unis était un projet élaboré, dès la
première moitié du 19e siècle, par les propriétaires esclavagistes cubains
et yankees, terrorisés par le développement des insurrections nègres et le
risque d’une diffusion de la Révolution haïtienne à Cuba3 .
La vaste campagne de répression de l’armée espagnole, qui recourut aux
déplacements des populations et aux camps de concentration (un demi-million de
paysans cubains y moururent), buta sur la résistance des communautés d’esclaves
marrons (l’esclavage n’a été aboli qu’en 1886) et sur la guérilla du
Parti révolutionnaire basée, principalement, dans la Sierra Maestra de
Santiago de Cuba. C’est alors que resurgit la vieille idée de l’"
annexionnisme " et que les États-Unis apparurent au gouvernement espagnol
comme la seule " ressource " pour se désengager de Cuba tout en
barrant la route à la Révolution.
La couronne espagnole passa donc la main au gouvernement du président William
McKinley, dans une mise en scène réellement magique : le 15 février 1898, le
navire cuirassé USS Maine de la flotte yankee explosa en rade de La
Havane, tuant les deux cent soixante-huit hommes d’équipage, à l’exception
notable de l’ensemble des officiers, tous invités, précisément ce soir-là,
à un dîner en ville. L’explosion fut présentée par le gouvernement et les
médias yankees comme une attaque espagnole4. En 1975, une enquête de l’armée
yankee conclut pourtant que la cause la plus probable était une explosion
provenant de l’intérieur même du Maine. La thèse officielle
privilégia alors l’hypothèse d’une explosion accidentelle de poussière de
charbon dans une soute localisée près de la salle de munitions. Quelques 105
années plus tard, l’autre hypothèse - plausible bien que non retenue par la
commission d’enquête militaire - est celle d’un " attentat "
délibérément préparé, ou délibérément laissé préparer (il y a peu de
différence), afin de justifier le déclenchement du conflit.
Le 25 avril 1898, répondant aux vœux des grands groupes de presse, des
premiers grands trust industriels et des firmes d’armement, McKinley déclara
la guerre à l’Espagne. Il prit soin de ne mentionner ni les insurgés, ni l’indépendance
de Cuba. En réalité, c’était également une déclaration de guerre aux
révolutionnaires cubains.
Sous le slogan " N’oubliez pas le Maine ", l'escadre du
commodore Dewey détruisit, le 1er mai, la flotte espagnole des Philippines sans
perdre un seul homme. Une guerre chirurgicale en somme. Le 3 juillet, ce fut au
tour de la flotte de l’amiral Cervera – dont le Cristobal Colon ! –
d’être coulée, toujours en souvenir du Maine, dans la baie de
Santiago de Cuba. Ce fut une véritable " guerre-éclair " : sans
avions et sans blindés, 20 000 yankees opposés à plus de 300 000 soldats
espagnols obtinrent, en moins de trois mois, la reddition des armées de la
régente Elisabeth d’Espagne.
De cette reddition, le général Calixto Garcia et les révolutionnaires cubains
furent soigneusement écartés. Comme ils furent tenus à l’écart des
négociations aboutissant au Traité de Paris du 10 décembre 1898. Celui-ci
organisa une simple passation de souveraineté, contre paiement d’une
indemnité, entre la Couronne espagnole et le gouvernement des États-Unis d’Amérique
sur les îles de Cuba, de Porto-Rico, de Guam et sur l’archipel des
Philippines.
Bâtir le premier Empire yankee avait coûté un pseudo-attentat, une promenade
navale et militaire ainsi que 20 millions de dollars. C’était une bonne
affaire5. Restait à la gérer fructueusement
La République dépendante de Cuba
Contrairement à l’île de Porto-Rico qui fut annexée pour demeurer sous
la tutelle directe du président des États-Unis d’Amérique jusqu’en 1952,
Cuba fut placée sous l’administration d’un gouvernement militaire d’occupation.
L’armée yankee remplaça l’armée espagnole, avec la même mission à
remplir : mettre un terme à la Révolution cubaine. Le gouvernement militaire
US se consacra au remplacement de l’Armée de libération par une garde rurale
qu’il pouvait aisément contrôler et à l’élimination de l’"
Assemblée représentative du peuple cubain armé ", qui administrait les
territoires libérés de l’occupation espagnole. Ce n’est qu’une fois
cette politique contre-révolutionnaire appliquée par son armée d’occupation
que le gouvernement yankee consentit à envisager la possibilité d’une
république cubaine.
Une assemblée constituante fut élue en novembre 1900, et la constitution de la
République de Cuba votée le 21 février 1901. Le peuple cubain s’étant
doté d’une constitution lui permettant d’exercer sa souveraineté, les
troupes yankees pouvaient évacuer l’île avec le sentiment du devoir accompli
: la puissance coloniale européenne avait cédé la place à une nouvelle
république américaine. Mais tel n’était pas le souhait de l’Empire.
L’amendement Platt
Le 27 février 1901, l'amendement proposé par le sénateur Orlando Platt
était adopté par le sénat des États-Unis d’Amérique : son article 3
édictait que le gouvernement cubain autorisait les États-Unis à "
intervenir en faveur de la sauvegarde de l’indépendance cubaine et du
maintien d’un gouvernement attaché à la protection de la vie, de la
propriété et de la liberté individuelle ". Afin de permettre l’exercice
de ce " droit d’intervention ", L’article 7 prévoyait que les
États-Unis pourraient acquérir ou louer auprès du gouvernement cubain des
terrains servant à " l’établissement de dépôts de charbon et de bases
navales en certains points qui seront déterminés avec le Président des
États-Unis. "
Surtout, et c’était là la mesure la plus destructrice de la souveraineté
cubaine, l’amendement Platt proclamait que le président des États-Unis d’Amérique
ne laisserait " le gouvernement et le contrôle de l’île " au
peuple cubain qu’à condition que l’amendement lui-même, voté par une
institution yankee, soit " partie intégrante " de la constitution de
la République de Cuba.
Le comité cubain chargé d’examiner la " demande " yankee établit
qu’avec l’amendement Platt, " les seuls gouvernements viables seraient
ceux qui auraient le soutien et la bénédiction des États-Unis, en
conséquence de quoi nous ne pourrions avoir que de faibles et misérables
gouvernements, […] plus attachés à obtenir la bénédiction des États-Unis
qu’à servir et à défendre les intérêts de Cuba."6 Le comité
voyait déjà se profiler Machado, Batista et l’embargo. La cession de
portions du territoire cubain à l’armée US fut qualifiée de "
mutilation de la patrie ". Enfin le comité résumait le deal que l’Empire
yankee voulait imposer à Cuba en ces termes : " Un peuple occupé
militairement se voit intimer l’ordre, avant même de pouvoir consulter son
propre gouvernement et d’être libre sur sa propre terre, d’accorder aux
forces d’occupation venues en amies et alliées des droits et prérogatives
qui annuleraient sa souveraineté même. " L’Assemblée constituante
cubaine, soutenue par le peuple qui organisa une marche aux flambeaux, refusa
catégoriquement d’entériner l’amendement Platt.
Mais, après plus de trois mois d’intenses pressions, le maintien de l’occupation
militaire et l’entrave du président des États-Unis à la mise en place d’un
gouvernement cubain eurent raison de la résistance de l’Assemblée
constituante. Le 12 juin, celle-ci vota l’adjonction de l’amendement du
sénat états-unien à la Constitution de la République de Cuba. Le général
yankee Léonard Wood, chef des forces militaires d’occupation, put écrire à
son président : " Avec l’amendement Platt il ne reste plus rien ou
presque de l’indépendance cubaine ". Le risque de l’haïtianisation
avait été écarté ; l’intérêt était sauf.
Guantanamo, Cuba : bienvenue aux États-Unis d’Amérique !
Après avoir préparé la guerre contre l’Espagne en tant que Secrétaire
adjoint à la Marine, puis être devenu vice-président grâce à l’utilisation
médiatique de son engagement à Cuba où il incorpora des reporters au sein de
son corps de volontaires, les Rough Riders (les " Rudes Cavaliers
") ; Théodore Roosevelt devient le 26e président des États-Unis d’Amérique
en septembre 1901, suite à l’assassinat de William McKinley.
Le Rude Cavalier-président consolida la politique impériale qu’il avait
contribuée à initier. Ce fut lui qui mit en application ce que prévoyait l’amendement
Platt. Le 23 février 1903, il signa un accord pour la " cession de
terrains pour l’établissement de dépôts de charbon et de bases navales
"7 avec le premier président cubain, Thomas Estrada Palma, qui
était également, par inadvertance, citoyen des États-Unis d’Amérique. L’accord
concernait l’établissement de bases dans la baie de Bahia Honda (mais cette
dernière ne vit finalement jamais le jour) et dans celle de Guantanamo, qui
devint une base militaire US permanente. L’accord signé entre
Roosevelt Ier et Estrada Palma, et confirmé en juillet, stipulait effectivement
que l’accord ne pouvait être rompu que par décision conjointe des deux
signataires : la République dépendante de Cuba autorisait par là les forces
navales des États-Unis d’Amérique à stationner sur une portion de son
territoire autant de temps que l’Empire l’estimait nécessaire.
Et la nécessité devint d’autant plus durable que la " diplomatie de la
canonnière " de Roosevelt Ier créa, quelques mois plus tard, l’État du
Panama, jusque là province des États-Unis de Colombie. Le gouvernement
fédéral colombien ayant eu l’insolence de refuser une concession
territoriale aux États-Unis d’Amérique, pour la reprise de la construction
du canal de Panama, la présidence soutint la sécession panaméenne. Aussitôt
dit, aussitôt fait, la République de Panama était proclamée le 3 novembre
1903. Le 18 novembre, le Panama concédait aux États-Unis, à perpétuité, l'"
usage, l'occupation et le contrôle d'une zone de terrains […] pour la
construction, l'entretien, l'exploitation, l'assainissement et la protection du
dit canal. " La mer des Caraïbes devenait un point de passage direct
entre l’Atlantique et le Pacifique : l’intérêt stratégique de la base
navale de Guantanamo prenait une ampleur qui ne souffrait plus aucune
contestation.
Roosevelt II (Franklin Delano) confirma donc, par le traité du 29 mai 1934, qu’il
n’y aurait pas de " nouvelle donne " (new deal en anglais)
concernant Cuba : les limites territoriales de la base de Guantanamo demeurerait
" aussi longtemps que les États-Unis d’Amérique n’abandonneront pas
la dite base navale ". La Deuxième Révolution cubaine de 1959 et la
contestation par le gouvernement castriste de l’atteinte à la souveraineté
du peuple de Cuba n’entama pas l’existence de la plus ancienne base
outre-mer de l’Empire. Tout au plus, la base fut aménagée pour devenir
auto-suffisante en eau grâce à une usine de désalinisation, devenant plus
totalement encore une enclave états-unienne sur le sol cubain.
Une enclave qui a servi de laboratoire d’essai au Premier Empire yankee
(1898-1941) avant que les bases militaires se multiplient et soient
disséminées aux différents points stratégiques du Deuxième (1941-2001) et
du Troisième Empire (2001-…). Là est le lien entre Guantanamo et l’étude
de l’Empire yankee : c’est à Guantanamo que le modèle impérial a été
testé.
Quel est le modèle de domination impériale yankee ? Il peut être résumé en
un schéma simple : " attentat " - guerre - occupation - bases
militaires. Ce schéma peut être développé ainsi :
• Un " attentat " vise une cible états-unienne, la plus symbolique
possible (selon le contexte historique) afin de marquer l’opinion publique des
citoyens US, et pourquoi pas l’opinion mondiale ;
• Le gouvernement des États-Unis, au nom du droit de la victime à se
défendre contre une agression (et sans attendre les résultats d’une
quelconque enquête), déclare la guerre à un État qui fait obstacle aux
Droits de l’Homme ainsi qu’aux intérêts de l’Empire (cette confusion
entre les droits de l’humanité et les impérieux intérêts de l’Empire n’est-elle
pas la preuve qu’il s’agit là de l’Empire du Bien ?) ;
• Les armées de l’Empire remportent une victoire par capitulation qui leur
permet d’occuper le pays vaincu et d’y installer un gouvernement sensible
aux intérêts yankees ;
• Ce gouvernement mis en place par l’armée d’occupation s’empresse de
céder aux États-Unis d’Amérique, afin que ceux-ci protégent l’indépendance
du peuple fraîchement libéré (car les États-Unis, comme Napoléon Ier, n’entreprennent
que des guerres de libération), des bases militaires pour une durée proche de
la permanence.
Par une répétition qui doit nous interroger, c'est ce schéma grossier de
domination qui a été suivi lors des trois vagues d’expansion impériale
yankee :
• L’explosion du Maine a justifié l’invasion de Cuba, l’élimination
du mouvement révolutionnaire cubain, l’imposition de l’amendement Platt, l’ouverture
de l’économie cubaine aux capitaux yankees et l’établissement de la base
de Guantanamo ;
• L’attaque sur Pearl Harbor8 a permis une vaste offensive dans le
Pacifique, l’élimination de la concurrence de l’Empire nippon, son
remplacement par une " démocratie industrieuse " et l’utilisation
du Japon comme base de contrôle et de surveillance face à la Chine communiste
;
• Enfin, les attentats du 11 septembre 2001, ont justifié – pour l’heure
- l’invasion de l’Afghanistan et de l’Iraq, l’élimination de deux
régimes qui refusaient de céder à l’Empire sur la question d’un oléoduc
pour les Talibans et des deuxièmes réserves mondiales de pétrole pour Saddam
Hussein (qui pour des raisons d’honneur et de propagande soutenait également
la résistance palestinienne à la colonisation sioniste soutenue par l’Empire
depuis 1947), la mise en place de gouvernements aux ordres à Kaboul et à
Bagdad (lorsqu’aura cessé une période d’administration militaire US
qui pourrait durer de quelques mois à plusieurs années) et l’établissement
ou le renforcement de multiples bases militaires en Asie centrale et au
Proche-Orient.
Par une ironie mordante de l’histoire, la base navale de Guantanamo, héritage
du Premier Empire yankee, sert aujourd’hui de camp de concentration où les
forces d’occupation US maintiennent en otages des hommes utilisés comme
" alibis vivants " pour la construction de l’Ultime Empire yankee ;
celui qui doit assurer aux États-Unis d’Amérique la maîtrise définitive de
la planète et de l’espace.
Affublés de pyjamas oranges et rasés de force, le sort de ces centaines de
déportés nous ramène à des millions d’autres déportés rasés de force,
vêtus de pyjamas rayés, et marqués par des étoiles et des triangles de
diverses couleurs9. Alors que l’Empire nazi déportait au nom de la
supériorité de la " race aryenne " et en vue de la mise en esclavage
de l’humanité entière, l’Empire yankee déporte au nom de " la
liberté, de la démocratie, et de la libre entreprise"10. Sa visée
est également l’humanité tout entièr
Notes
1 . Le mot " yankee " est d’origine amérindienne
; il est finalement le seul terme que l’on puisse réellement appliquer aux
nationaux des États-Unis d’Amérique. " Américain " est un abus de
langage qui s’est imposé et qui entérine la doctrine dite de Monroë qui
prétend donner aux USA la responsabilité des autres États des trois
Amériques (du Nord, de la Caraïbe et du Sud). Le terme " états-unien
" est utilisé faute de mieux puisque les USA ne sont pas le seul État
fédéral au monde et que le terme ne pourrait plus servir à désigner les
nationaux de ce pays s’il se produisait un quelconque changement de régime
politique. Faute d’une révolution rétablissant les droits des différents
peuples d’Amérique du Nord, les États-uniens demeurent donc des Yankees
(traduire par " exterminateurs d’Indiens ").
2 . Ainsi parlait José Marti, qui vécut notamment à New York avant de se
faire tuer, dès 1895, au cours de la guerre d’indépendance cubaine : "
Pour l'indépendance de Cuba, il est de mon devoir d'empêcher la mainmise des
États-Unis sur les Antilles et leur invasion... Je connais le Monstre, car j'ai
vécu dans son antre. "
3 . Voici ce que déclarait en 1896, à propos de la Révolution cubaine, le
jeune Winston Churchill, dont la mère était une yankee, dans un article de la Saturday
Review : " Un grave danger se présente. Deux cinquièmes des insurgés
sur le terrain sont des nègres. Ces hommes […], en cas de victoire,
demanderaient certainement une place prépondérante dans le gouvernement du
pays. […] Il en résulterait, après des années de lutte, une autre
république noire. " cit. in Howard Zinn, Une histoire populaire
des Etats-Unis d’Amérique de 1492 à nos jours, trad. Par Frédéric
Cotton, Agone, Marseille, 2002, p. 348.
4 . Le gouvernement yankee rejeta catégoriquement la proposition espagnole d’une
enquête confiée à une commission mixte.
5 . Concernant les Philippines, la " bonne affaire " en question dut
cependant être " consolidée " par une guerre de trois ans contre les
insurgés philippins (" incapables de se gouverner eux-mêmes " selon
la conception raciste à laquelle souscrivait le président McKinley) qui
réclamaient leur indépendance, d’abord vis-à-vis de l’Espagne puis de son
remplaçant yankee. C’est peut-être cette constance des Philippins dans l’aspiration
à la liberté qui justifia, du côté yankee, le recours à une guerre
sanglante qui apparut surtout comme une boucherie (une " busherie " ?)
: " Nos hommes ont été impitoyables. Ils ont tué pour exterminer hommes,
femmes, enfants, prisonniers et otages, rebelles avérés et individus suspects
de plus de dix ans. L’idée qui a prévalu est qu’un Philippin en tant que
tel n’a pas plus de valeur qu’un chien. " Rapport de novembre 1901 du
correspondant du Ledger, cit. in Howard Zinn, op. cit., p.
361.
6 . Cit. in Howard Zinn, idem, p. 357.
7 . L’accord précisait " pour servir exclusivement de dépôts de
charbon et de bases navales, à l’exclusion de tout autre objet ". On est
en droit d’estimer – bien que la notion de " droit " n’ait pas
beaucoup de sens dans le cadre d’une politique impériale – que l’établissement
d’un camp de concentration, qu’il soit utilisé pour des prisonniers de
guerre, des " combattants ennemis illégaux ", des "
non-combattants non belligérants " ou des réfugiés haïtiens (ils furent
34 000 de 1991 à 1995), est une violation caractérisée de cet accord. Mais
comment qualifier la violation d’un accord obtenu par la force et
représentant lui-même une violation de la souveraineté cubaine ?
8 . L’attaque de l’aviation japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941,
a, encore récemment suite aux attentats du 11 septembre 2001, été présenté
comme un " attentat " dans le sens où il se serait agi d’une
attaque surprise puisque l’Empire nippon n’avait pas déclaré la guerre à
l’Empire yankee.
L’argument doit être sérieusement réexaminé lorsque l’on sait que le
gouvernement des États-Unis d’Amérique avait mis en place, à l’été
1941, un embargo total sur l’approvisionnement japonais en fer et en pétrole
; des mesures que Radhabinod Pal, un des juges au procès pour crimes de guerre
des responsables japonais, en désaccord avec le verdict final, estima être
" une menace claire et réelle pour l’existence même du Japon "
(Howard Zinn, idem, p. 466). En réalité, le gouvernement des
États-Unis avait prévu, et voulu, cette guerre : l’attaque aérienne contre
la base hawaiienne lui permit de faire basculer l’opinion publique jusque-là
opposée au déclenchement de toute hostilité. Pearl Harbor offrit également l’occasion
de créer un gigantesque complexe militaro-industriel qui permit aux forces US
d’intervenir simultanément dans le Pacifique, en Afrique du Nord et en Europe
au cours de la seconde guerre mondiale (du 20e siècle s’entend), et de s’imposer
comme le seul empire capitaliste – le 2e Empire yankee – face à l’Empire
soviétique.
Enfin, il faut se rappeler que l’attaque sur Pearl Harbor eut lieu sous la
présidence de Franklin D. Roosevelt, cousin du président " rude cavalier
" Théodore Roosevelt et, comme lui, ancien Secrétaire adjoint à la
Marine. Elle servit également de justification à l’internement de plusieurs
dizaines de milliers de citoyens états-uniens d’origine japonaise dans des
camps de concentration.
9 . Le régime concentrationnaire du IIIe Reich établit un strict étiquetage
des déportés selon la grille nazie : triangle bleu pour les déportés
réputés apatrides, triangle marron pour les déportés tsiganes, triangle noir
pour les déportés asociaux, triangle rouge pour les déportés politiques,
triangle rose pour les déportés homosexuels, triangle vert pour les déportés
de droit commun, triangle violet pour les déportés " sectateurs de la
Bible ", étoile jaune pour les déportés juifs, étoile jaune et rouge
pour les déportés juifs résistants. Les nazis n’utilisèrent pas la couleur
orange ; supprimant les " écussons ", l’Empire yankee applique
cette couleur directement sur le pyjama de ceux qui sont qualifiés de "
combattants ennemis illégaux ".
10 . Georges W. Bush, Sécurité nationale: la stratégie des États-Unis,
17 septembre 2002.
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